Université confinée : journal de continuité pédagogique - le contexte

Moodle, webcam et canapé, la combinaison gagnante du confinement ?

Aujourd’hui, cela fait exactement un mois que mon université est fermée. Depuis lundi soir, nous savons que les cours en présentiel ne reprendront pas avant septembre. Le semestre de printemps se sera déroulé quasiment exclusivement en enseignement à distance. Ce n’est pas l’idéal bien sûr, mais nous avons beaucoup de chance.

Déjà, le suspense est terminé. Concevoir des séquences pédagogiques en prenant en compte une hypothétique reprise à une date inconnue consomme énormément d’énergie, dont une grande partie est gaspillée puisque le calendrier change à peine les contenus ébauchés. Maintenant, nous savons à quoi nous en tenir : adieu travaux pratiques et examens classiques, vive les QCM et les synthèses bibliographiques !

Ensuite, l’enseignement supérieur se prête relativement bien à la distance. Nos étudiants sont adultes, rompus à l’utilisation des outils numériques, relativement autonomes dans l’organisation de leur travail (nettement plus que des collégiens en tous cas), et surtout l’écrasante majorité d’entre eux possède son ordinateur personnel. Pour eux, il y a donc peu de barrières techniques à l’enseignement à distance (même si la question de la connexion internet limitée se pose pour certains qui sont confinés dans des appartements hors campus - des forfaits à tarif limité ont été négociés pour eux auprès des opérateurs téléphoniques).

Le passage brutal à un enseignement 100% en ligne représente une pression énorme pour les infrastructures numériques des établissements. Bien sûr elles sont imparfaites, mais tout de même, notre espace numérique de travail est resté accessible à tous, étudiants comme enseignants, sans interruption depuis le confinement. Nous disposons d’une équipe d’ingénieurs pédagogiques qui ont fait un travail fantastique de recension des outils existants, de réalisation et mise à disposition de tutoriels. Grâce à eux, beaucoup d’entre nous maîtrisions déjà, au moins de façon rudimentaire, le fonctionnement des plateformes pédagogiques, ce qui a permis aux enseignants de s’entraider et aux équipes de concentrer leurs efforts de formation sur les collègues les plus novices.

Du côté des profs, nous avons beau râler que nous sommes complètement débordés par la mise en œuvre  de cet enseignement à distance - ce qui est parfaitement exact, mais même sans coronavirus je vous mets au défi de trouver un moment où ne ne râlons pas et où nous ne sommes pas débordés - il faut reconnaître que cela nous a donné pour les premières semaines de confinement un objectif à la fois concret et atteignable. C’est très différent pour nos collègues de l’Éducation Nationale pour qui la continuité pédagogique relève plus de la mission impossible que du défi ambitieux; compte tenu de tout ce que j’ai expliqué avant. J’ai l’impression que la crise actuelle amplifie les caractéristiques de chacun : les profs stressés le sont encore plus, ceux qui maternent leurs étudiants d’habitude les couvent avec une attention redoublée, ceux pour qui l’enseignement est du temps perdu pour la recherche sont encore plus inaccessibles qu’en temps normal, ceux qui se méfient des étudiants pensent qu’ils vont en profiter pour ne rien faire et tricher aux examens en ligne … Quand à l’auteure de ces lignes, elle traîne sur des forums de discussion où étudiants et collègues plus ou moins révolutionnaires projettent de revisiter le contenu et les pratiques d’enseignement.

Il y a quelques jours, notre directrice de département nous a transmis un message de remerciements de la part des élus étudiants au conseil d’administration, qui ont dit mesurer les efforts faits par les équipes pédagogiques pour s’adapter à la situation et rendre le plus fructueux possible ce semestre confiné … avant de nous demander d’y aller mollo et de nous occuper de nos familles d’abord ! Cela m’a fait chaud au cœur.

PS : sur toutes les illustrations de prof à distance que je vois, il y a un bureau et une webcam. Suis-je la seule à travailler avachie sur mon lit, caméra coupée ?