Barbecue et électro, droits fondamentaux !

Publié le 8 Juin 2010

Les Français de l’étranger n’ont pas le droit de voter en France pour les scrutins locaux. La citoyenne qui est en moi, frustrée lors des dernières élections régionales, a donc été tout émue il y a quelques jours quand elle a été invitée à voter à Göttingen. Pas pour des élections, mais pour un référendum : pour ou contre la Südspange ?

 

La Südspange est un projet de route contournant Göttingen par le sud, dans le but de désengorger les rues du sud de la ville. J’y ai conduit aux heures de pointe, et honnêtement, point de vue embouteillages, ce n’est pas si terrible que ça. Et puis je préfère que l’argent serve à ce que les bus passent plus souvent que deux fois par heure, ou alors qu’un trajet coûte moins de 2 euros. Enfin, et surtout, je tiens au petit chemin vert qui mène de l’institut au lac Kiessee en longeant le Leinekanal, et qui serait coupé en deux par la voie express. Que deviendraient alors nos soirées barbecue-guitare aux chandelles au bord du lac ?

 

J’avais donc décidé de dire NON à la Südspange et me préparais à aller déposer, guillerette et confiante, mon bulletin de vote à la mairie quand j’ai lu ce billet de Magda, qui a ébranlé ma confiance en la démocratie participative à l’allemande.

 

Berlin, où elle habite, est une ville immense, où les quartiers animés côtoient de grands terrains en friche qui ressemblent à des carrés de campagne. Comme les gens y sont plus branchés que dans ma petite bourgade de Basse-Saxe, c’est avec de l’électro plutôt que du folk qu’ils assaisonnent leur grillades. C’est ce qui fait toute la magie de Berlin, cumuler la richesse culturelle d’une capitale avec l’espace et la liberté qu’offre la campagne. Et vraiment, c’est incroyable pour des oreilles provinciales gavées d’Eurovision (à leur corps défendant, mais impossible d’y échapper car Lena, la gagnante, est originaire de Hanovre) : partout, on entend de la bonne musique, enfin !

 

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Mais Berlin est aussi une ville pauvre, en proie à la tentation de vendre son âme au plus offrant. Ainsi, les bords de la Spree, occupés actuellement par de nombreux entrepôts, usines ou péniches recyclés en bars-clubs-plages, sont au cœur d’un projet d’aménagement contesté. Mediaspree est une énorme opération immobilière qui vise à bâtir un quartier d’affaires et de culture (la culture est à entendre dans sa version la plus commerciale, c’est-à-dire MTV et Universal). 87% de la population y est opposée et elle l’a rappelé ce week-end au cours d’une manifestation. La police, visiblement peu sensible aux charmes champêtres et underground de la capitale, a chargé les manifestants l’après-midi avant de faire la tournée des clubs le soir pour faire baisser la musique. Les Berlinois sont unanimes dans leur volonté de préserver l’identité de leur ville. Ils ont proposé à la mairie une liste de revendications concrètes (pas de construction à moins de 50m des rives, des ponts piétons plutôt que routiers etc …). C’est rare, c’est admirable et on répond à cet élan par la violence parce qu’il frustre les ambitions d’une certaine caste de grandes entreprises …

 

Pendant ce temps, ignorant tout de l’événement, je me prélassais à l’ombre d’un parasol au cœur de Keuzberg, avec la certitude confuse de profiter d’une époque bénie qui ne saurait durer. Si j’avais su, j’aurais rejoint le cortège, ce que je fais moralement aujourd’hui en rédigeant ce billet et en priant pour qu’il ne soit pas trop tard pour sauver la Spree.

Rédigé par Algue

Publié dans #environnement

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