De l'éducation à l'intégration

Publié le 27 Février 2018

"Pourquoi est-ce que [les Juifs d'Afrique du Nord] qui ont émigré en France ont réussi et sont parvenus en deux générations à atteindre les sommets de l’industrie, du monde universitaire, économique, culturel et politique ; tandis que ceux qui ont choisi d’émigrer en Israël se sont retrouvés au bas de la hiérarchie socio-économique de la société israélienne?" Telle est la question posée par le troisième épisode du passionnant documentaire Hatsarfokaim, où le réalisateur Ron Cahlili s'intéresse aux Juifs, souvent séfarades, qui quittent la France pour s'établir en Israël. Où l'on découvre que les préjugés qui leur collent à la peau en Israël ne sont pas les mêmes que ceux que le film La vérité si je mens! a immortalisés en France.

La sociologue franco-israélienne Eva Illouz, née au Maroc, y raconte que la réputation du système éducatif français est ce qui a poussé ses parents à s'installer en France quand elle avait dix ans. Ce système garantissait à chacun, pourvu qu'il s'investisse dans son cursus, un égal accès à un enseignement supérieur public et de qualité, sans condition de ressources ou de religion. "Cela a un peu changé je crois" ajoute-t-elle rapidement. En Israël à l'inverse, les enfants de nombreux Juifs originaires d'Afrique du Nord ont eu des perspectives limités par l'offre éducative qui existait dans les villages du désert où on les avait accueillis, qui n'offraient que des formations professionnelles menant à des métiers peu valorisés.

Cela vous rappelle quelque chose ? La démocratisation de l'enseignement supérieur français peut-être ?

J'ai déjà déploré plus tôt les inégalités qui règnent dans le système français d'enseignement secondaire et supérieur. La façon dont une élite conservatrice joue de la dualité grandes écoles-universités pour maintenir un statu quo qui lui est favorable ainsi que la dégradation des conditions d'enseignement et de recherche ont déjà été décrites ailleurs, mais je vous incite tout de même à lire cet article de Stéphane Beaud et Mathias Millet qui montrent comment la réforme actuelle, joliment et paradoxalement intitulée "Orientation et Réussite des Etudiants", exacerbe les deux tendances et maintient fermement sous l'eau la tête des universités. Et se soucie aussi peu de réussite que d'intégration.

 

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