Grandes écoles : comment transformer des bisounours en requins

Publié le 13 Février 2018

« Pourquoi sortons-nous de l’école avec des valeurs à l’exact opposé de celles qui nous ont motivés à y entrer ? » se sont demandé, le mois dernier, deux étudiant-e-s d'AgroParisTech dans un article publié sur Bastamag.

Leur témoignage m'a rappelé mon lointain passé d'étudiante en école d'ingénieurs. La participation au forum des entreprises étant obligatoire pour les deuxième année, j'avais moi aussi été contrainte d'acheter une veste et de me promener (mal) déguisée en jeune cadre dynamique entre les stands des différents acteurs du CAC40. Je me suis beaucoup ennuyée à cette journée où mes camarades collectionnaient les goodies et se renseignaient avec gourmandise sur les gratifications de stage. Contrairement à eux (en tous cas en apparence), je préférais de loin les cours (qui me semblaient absolument déconnectés de l'univers managérial qui s'ouvrait à moi au forum). La grande différence entre l'article de Bastamag et mon vécu, c'est que dans mon école, il y avait peu de Bisounours à l'entrée (je le sais, je les ai comptés, et ce sont toujours mes amis). Les requins décomplexés n'étaient pas légion non plus, mais la majorité était constituée de bons-élèves-que-tout-destine-à-une-belle-carrière. Le genre qui se préoccupera de justice sociale un jour peut-être mais pas tout de suite parce que là il essaie d'avoir une augmentation.

Aujourd'hui que je suis passée de l'autre côté de la barrière et que je forme des ingénieurs je m'émerveille toujours autant de la facilité avec laquelle certains étudiants endossent le costume de jeune cadre dynamique. Aux autres, je tente d'expliquer en quoi ce que je leur enseigne a un rapport avec leur vie professionnelle et les aidera (j'espère) à être de bons ingénieurs. A tous, j'essaie d'inculquer un peu de rigueur scientifique et d'esprit critique.

Cela m'a fait plaisir de lire qu'il existe des étudiants qui se questionnent sur les pratiques de leur école, de leur promotion, sur le rôle de leur formation dans la société. Je commençais à me demander si ce n'était pas des lubies réservées aux vieilles hippies de mon espèce (rassurez-vous tout n'est pas perdu, j'ai gardé ma veste, et je la porte même de temps en temps. Après tout elle n'a que quatorze ans, et contrairement à mes camarades banquiers qui mangent un peu trop souvent au restaurant, je rentre encore dans mes vêtements de l'époque). Je souhaite à ces étudiant-e-s de parvenir à mobiliser leur communauté autour de ces questions éthiques, et de faire changer les relations parfois douteuses entre grands groupes et grandes écoles.

Rédigé par Algue

Publié dans #ingénieur, #politique, #éducation, #idéalisme, #peace&love

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