L'orgueil des provinces

Publié le 28 Août 2010

Hier, le voyage en train entre l'Allemagne et la France n’avait pas exactement le même goût que d’habitude. Et pour cause : c’était (presque) le dernier. Un peu précipitemment, mais c’est la vie, je quitte en effet le calme et la verdure de Göttingen pour retouver Paris, la capitale pressée. A ceux qui me demandaient si j’étais contente de rentrer à la maison j’ai dit oui, tout en réprimant une envie de leur expliquer qu’au fond, même si j’ai vécu quelques années à Paris, même si j'adore cette ville, je ne suis pas vraiment parisienne.

 

En tombant sur ce blog, je me rends compte que c’est maintenant que j’éprouve cette joie du retour aux sources … au moment même où je savoure par anticipation les deux jours que je vais passer en Bretagne avant la rentrée.

 

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Le billet de Nicole Volle est consacré à Pierre-Jakez Hélias et à son livre le plus célèbre, Le Cheval d’orgueil. L’auteur, né dans le Finistère en 1914, y raconte son enfance dans une Bretagne rurale et bretonnante, avant la mode de la plage et des fruits de mer - il raconte comment les mères cuisaient à contre-cœur les crabes fièrement ramenés à la maison par les enfants, ou comment une servante jeta un jour un panier d’huîtres offert à son patron avant de lui expliquer « Ce monsieur ne doit pas vous aimer beaucoup, il vous a envoyé des cailloux ». C’était il y a moins de cent ans, mais on ne moissonnait pas encore à la machine. Paris la fossile fait tout son possible pour ressembler aujourd’hui à ce qu’elle était il y a 100 ans, mais penser à tout ce qui a changé en si peu de temps à Pouldreuzic donne un peu le vertige …

 

Pierre-Jakez Hélias a été à l’école, où il était interdit de parler breton. Comme beaucoup d’autres, il a quitté son village après le certificat d’études. Pour étudier les lettres, dont il a été agrégé et qu’il a enseignées à l’École Normale de Quimper jusqu’à sa retraite. Contrairement à la majorité de ses camarades, lui n’en a pas oublié son breton. Il a continué à le parler, à le conter, à l’écrire … tout en assistant impuissant au déclin de sa langue maternelle. Le Cheval d’orgueil traite de la culture paysanne, du sens de l’honneur et de la fierté de ceux qui cultivent la terre, incarnés par la figure du grand-père Alain Le Goff.

 

Son livre a été écrit dans les années 1970, à une époque où le folklore et l’artisanat breton redevenaient d’actualité. Il se clôt sur une note d’espoir : et si, sous l’impulsion des musiciens et des poètes, le breton renaissait de ses cendres ? Si dans l’air des villages bretons continuait à flotter l’orgueil des paysans ?

 

Ce que je trouve déchirant, à chaque lecture de ce livre, et presque à chaque passage en Bretagne, c’est cet espoir déçu. Plus que jamais aujourd’hui la côté se bétonne, se transformant en un ruban de résidences secondaires closes presque toute l’année, faisant flamber les prix et condamnant les enfants de pêcheurs à s’installer dans des pavillons sans âme en banlieue des grandes villes.

 

Dans un autre territoire tout aussi pauvre et rude, les Corses, eux, ont réussi à mieux préserver la beauté sauvage de leur île et leur identité. Parce qu’ils sont protégés par la mer tout autour d’eux ? Ou parce que la violence et les armes, seules, sont capables de défendre cet orgueil contre l'appétit des promoteurs ?

Rédigé par Algue

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