Allègre, une victime ?
Publié le 12 Avril 2010
Cela fait maintenant une dizaine d'année que, de lycées en laboratoires en passant par écoles d'ingénieurs, universités et musées, je côtoie des scientifiques. Cela me pèse même, parfois ... Pourtant, jamais je n'ai croisé un scientifique sérieux et climato-sceptique. Comme tous mes collègues, j'essaie donc de comprendre pourquoi il est si difficile de faire accepter au grand public la réalité du réchauffement climatique.
Le citoyen moyen est-il cynique ?
C’est vrai que, si on se débarasse de l’idée que l’activité humaine nuit au climat, on allège sa conscience chaque fois qu’on démarre sa voiture (pour plus de sérénité, on peut aussi se convaincre qu’il reste sur Terre autant de pétrole qu’on en rêve). Sûrement, quelques paresseux adoptent cette politique de l’autruche. Mais honnêtement, a-t-on besoin de cette acrobatie mentale ? Quand on traverse hors des clous, on n’a pas besoin de se prétendre que les voitures n’existent pas. Elles sont là, on les dérange et ça ne nous empêche pas de dormir (en tous cas, pas les piétons parisiens).
Le citoyen moyen est-il manipulé ?
Donc à mon avis le citoyen ne se convainc pas tout seul. Il croit ce qu’on lui dit. Or ce que lui dit la télé, c’est « tous les climatologues du monde sauf Claude Allègre pensent que le climat se réchauffe à cause de l’activité humaine ». Faites un sondage dans la rue, demandez aux gens de citer un nom de climatologue, il vous répondra Allègre … qui n’est pas plus climatologue que moi.
Où est le problème ?
Il y en a plusieurs. D’abord, M. Allègre ment en se présentant comme un expert du climat. Il est physicien, comme moi, mais ses travaux ne portent pas sur le sujet. Ce qu’il se garde bien de préciser quand il passe au JT. M. Allègre n’a donc à son actif ni expériences ni théories qui permettraient de remettre en question les savoirs établis.
Il prétend utiliser dans son argumentation des résultats déjà publiés. C’est son droit, cela se fait souvent de reprendre des résultats obtenus par des collègues pour les soumettre à une nouvelle interprétation. Mais en aucun cas on ne peut falsifier les données attribuées à ce collègue ! Règle joyeusement piétinée par Allègre, qui ne nie même pas.
C’est exactement comme si je me pointais un soir chez Claire Chazal pour faire la promotion de mon livre « Cancer : on vous ment », en disant « je suis docteur en sciences, je suis donc qualifiée pour vous parler du cancer et pour affirmer que les cancérologues vous mentent, cette maladie n’existe pas », appuyant mon propos sur des graphiques inventés par moi auxquels j’aurais apposé la signature de quelques pontes.
Pourquoi ?
Je sais que les grandes compagnies pétrolières paient des think tanks pour remettre en cause les travaux du GIEC. Répondre à la théorie du complot par le complot, cela ne me satisfait pas.
M. Allègre aime faire parler de lui – et ses livres se vendent remarquablement bien grâce à la publicité que lui font les média. A mon avis, cela suffit à expliquer sa pseudo-croisade.
Mais pourquoi les média le suivent-ils ? Là encore, plutôt que d’évoquer le complot, je préfère l’explication de Jean-Marc Jankovici, qui attribue l’attitude de la presse à un mélange entre l’envie de créer de la polémique pour faire vendre et une méconnaissance du fonctionnement du monde de la recherche, qui fait que certains journalistes gobent le discours du « pauvre petit Claude que personne ne laisse s’exprimer dans la communauté académique ».
Conclusion
Si Claude Allègre est une victime, moi, je veux bien être transformée en mammouth ! Que faire pour lutter contre la propagation de ses idées toxiques ? Faites confiance aux scientifiques, aux vrais ! Quand l’ex-président de l’Académie des Sciences vous dit qu’Allègre vous ment, croyez-le !